
La situation au Nord de l’Irak est complexe. Crédit: La Croix
Depuis plusieurs semaines, l’Irak est secoué par l’avancée brutale de l’État islamique (EI), un califat autoproclamé dirigé par Abou Bakr al-Baghdadi et qui s’étend du Nord de la Syrie au Nord de l’Irak. Le 10 juin, les combattants de l’EI, soutenus par des rebelles sunnites ont pris Mossoul, la deuxième ville irakienne. Au départ, la population soutenait les rebelles sunnites qui combattent principalement les chiites*, assimilés au pouvoir à Bagdad. Un mois plus tard, après s’en être pris aux chiites, les combattants de l’EI et les rebelles sunnites ont commencé à s’en prendre aux chrétiens. Ils ont marqué leur maison d’un N comme « nazaréen », autrement dit « chrétien » en arabe. L’EI leur a laissé trois choix: se convertir, payer une taxe ou partir sans rien pouvoir emmener. Ce choix a conduit à la fuite de 10 000 chrétiens de Mossoul.
Prise de Qaraqosh
Le 7 août, l’EI s’empare de la plus grande ville chrétienne d’Irak, Qaraqosh. Des milliers de chrétiens s’y étaient déjà réfugiés après la chute de Mossoul. Située sur la ligne de front entre l’EI et les peshmergas, les combattants kurdes qui protègent le Kurdistan au nord de l’Irak, la population chrétienne comptait sur eux pour repousser l’EI. Mais les peshmergas n’ont pas résisté et ont dû laisser Qaraqosh aux djihadistes. Cette fois, les djihadistes n’ont pas laissé le choix aux chrétiens: il faut partir ou mourir. Pour 100 000 chrétiens, c’est de nouveau l’exode vers la ville la plus proche, Erbil, la capitale autonome du Kurdistan irakien.

Des combattants peshmergas près d’Erbil (Crédit: Safin Hamed / AFP)
Les peshmergas, combattants kurdes
De leurs côtés, les peshmergas, mot qui désigne un combattant qui se battra jusqu’à la mort, tentent de protéger le Kurdistan de l’avancée des djihadistes. Désormais, les hommes de l’EI se rapprochent du territoire kurde et ne sont plus qu’à des dizaines kilomètres d’Erbil, où se trouvent la plupart des chrétiens qui ont fui. Sorte d’armée très organisée, les peshmergas se sont substitués à l’armée irakienne qui n’a pas pu faire face aux djihadistes. Ils sont cependant moins bien équipés et ont donc demandé de l’aide de la part de la communauté internationale.
Intervention américaine et française
Après avoir d’abord envoyé de l’aide humanitaire en Irak, les États-Unis ont procédé début août à des frappes ciblées pour protéger le personnel diplomatique américain qui se trouve à Erbil. Face à l’avancée importante de l’EI (notamment avec la prise de Qaraqosh), les États-Unis ont décidé d’envoyer des armes aux Kurdes. La France à quant à elle salué cette initiative et a décidé de marcher dans les pas de son allié américain. La France a longuement hésité à livrer des armes aux Kurdes car elle ne voulait pas qu’elles puissent finir entre les mains des djihadistes et parce que le Kurdistan revendique son indépendance face à Bagdad. Un soutien trop appuyé aux Kurdes pourrait contribuer à morceler l’Irak.
Outre l’aspect militaire, la France a aussi livré des vivres aux réfugiés. Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, a supervisé la livraison de l’aide quand il s’est rendu à Erbil le 10 août. Plus de trente tonnes ont déjà été acheminées.

Des milliers de Yazidis sont menacés par la famine (Crédit: Safin Hamed / AFP)
Prise de la région de Sinjar
Début août, l’EI a pris le contrôle de la région de Sinjar où se trouve majoritairement les Yazidis, une minorité dont la religion est considérée comme pré-islamique. Ils puisent une partie de leurs croyances dans le zoroastrisme, mais intègrent également des éléments de l’islam et du christianisme. Les Yazidis vénèrent sept anges dont le plus important est Melek Taous ou l’Ange-Paon. Face à l’attaque des djihadistes, entre 20 000 et 30 000 Yazidis (selon le Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés) ont fui vers les montagnes avec uniquement les vêtements qu’ils portaient. Face à la chaleur étouffante (plus de 40 degrées la journée), des dizaines d’enfants sont morts de déshydratation. Pour ceux qui survivent et pour les plus reculés dans la montagne, les conditions sont extrêmes car ils n’ont ni eau ni nourriture. Les Kurdes et les bombardements américains sur les djihadistes ont néanmoins permis à plusieurs milliers de Yazidis de fuir les montagnes. Aujourd’hui, ils ne seraient plus que quelques milliers à survivre grâce aux paquets de vivres envoyés par l’Union européenne et les États-Unis.
* Le premier ministre chiite Nouri al-Maliki est accusé d’avoir accentuer les tensions entre les différentes communautés religieuses d’avoir particulièrement exclu les sunnites.
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